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Jean d'Ormesson

Confidences corses

Comme si sa prestigieuse lignée ne lui avait pas suffi, Jean d'Ormesson est devenu un fils adoptif de la Méditerranée. A lui seul, il incarne ce désir des hommes du nord pour le sud que l'historien Georges Duby interprétait comme le retour à " cette source, à ces lieux féconds dont on sait depuis l'enfance que des demi-dieux y menèrent une existence moins terne est moins grossière." « C'est amusant parce que je n'ai aucun lien avec la Méditerranée», dit-il, «ma famille était parisienne, mon père était diplomate donc j'ai vécu un peu partout, en Allemagne Roumanie, au Brésil avant l'âge de 15 ans, et puis évidement j'ai été pris de passion pour la Méditerranée.»

Cette passion est double : d'abord, une passion intellectuelle. «Quand on s'occupe un peu d'histoire des idées, bien sur la Chine c'est très important, l'Inde c'est très important mais enfin la Méditerranée c'est tout de même le cœur de notre histoire. La Méditerranée est au cœur de ce que nous sommes, et elle y est quatre fois : elle est judéo - chrétienne, grecque, romaine. En plus, en dehors de nous… je sais qu'il y a eu des choses importantes, notamment en Asie : le zéro est né en Inde, il nous arrive par les Arabes mais il était indien. Mais la Méditerranée c'est quand même le début de la science, la géométrie, les mathématiques, l'éloquence, le théâtre, enfin c'est stupéfiant.» En cela, Jean d'Ormesson rejoint Paul Valéry, l'écrivain originaire de Sète, poète du Cimetière marin et chantre d'une Méditerranée européenne vue comme une " machine à faire de la civilisation." Mais tout de suite, Ormesson rappelle que le territoire du savoir n'est pas seulement celui de l'occident latin. « Et quelque chose qui est aussi méditerranéen, que j'ai beaucoup admiré, on me l'a assez reproché, (on me reproche beaucoup d'être vendu à l'Islam, on m'envoie sans cesse des sourates du Coran pour me montrer que le Coran est une religion abominable), mais l'arabe c'est magnifique, et c'est aussi méditerranéen.»

Cette passion intellectuelle se double d'une expérience sensible : «Et puis il y a le bonheur que j'ai eu en Méditerranée. J'ai découvert les ports méditerranéens notamment en Grèce, il y a des ports grecs que j'ai adorés, l'Italie que j'ai aimée à la folie, il y a la Corse. La Méditerranée m'a parue véritablement le centre du monde.» Jean d'Ormesson a beaucoup voyagé : l'enfant de diplomate devenu normalien, il commence à travailler à l'Unesco qui l'envoie un peu partout dans le monde. «J'ai vu des choses très belles, l'Inde, Le Mexique, mais il n'y a pas beaucoup d'endroits plus beaux que l'Égypte, La Grèce, l'Italie.» De la Méditerranéen de Jean d'Ormesson, multiple et nuancée dans son inventaire intellectuel, émergent finalement deux amours : de la Grèce, il retient les îles : «Santorin, Mykonos maintenant sont envahies, mais des îles comme Symi…» Il évoque aussi les Sporades au nord, Skyros, Skiathos et Skopelos, déplorant qu'elles soient «quand même ravagées par le tourisme, par les chèvres, par l'Islam». Et surtout, il y a l'Italie. «J'ai aimé à la folie les villes italiennes, je connais très bien l'Italie, tout est beau en Italie, il y a des choses qui ne sont plus à la mode comme les lacs italiens, mais c'est ravissant, merveilleux, les Pouilles, magnifique, la côte amalfitaine, Ravello…» L'énumération semble inépuisable. Enfin il a cette formule : «Nous avons dit que la Méditerranée c'est ce qu'il y a de plus beau monde, eh! Bien, la plus belle île de Méditerranée c'est la Corse. Une des sources de mon amour pour la Corse c'est sûrement l'Italie. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? La Corse est aussi italienne...» Et il semble que les îles grecques, les villes italiennes, les ports et les collines, tout cela s'agrège et se concentre la Corse, par un surprenant précipité chimique de l'esprit qui ne retient en définitive que la nature et la lumière. Il est notable qu'il parle de la Grèce et de l'Italie au passé : «J'ai beaucoup aimé la Grèce»… «J'ai adoré l'Italie»… Alors que la Corse, il en parle au présent. «Je voyage moins depuis que je suis en Corse. Je n'en ai plus besoin.» Son ami, l'écrivain Jean-Marie Rouart, assure que "profondément, ce qu'il aime, c'est se promener à poil sur un chemin corse, au milieu des chèvres, en regardant un beau paysage, dans les parfums de cyprès, de temps et de lauriers". On ne se balade pas dans le maquis en tenue d'académicien, soit. Mais à poil au milieu des chèvres ? On voit bien qu'il n'est pas Corse ; il aurait pu au moins enfiler des chaussures. «Je vais vous dire pourquoi je l'ai fait. J'aime beaucoup nager nu. Je partais, je revenais, je mettais mon peignoir de bain. Mais quelques fois j'allais un peu loin et j'étais fatigué, je me disais : j'arriverais peut-être difficilement à rentrer. Et donc je rentrais par le chemin des bergers, et de temps en temps je rencontrais une malheureuse jeune fille, qu'est-ce que vous voulez que je fasse, je me jetais dans le maquis. Je me rappelle m'être déchiré dans le maquis, il fallait bien que je disparaisse !» Tant qu'il ne s'agit que d'une malheureuse jeune fille et pas d'une mazzera, tout va bien. Il se reconnaît dans le personnage ridicule du continental de L'enquête corse. «Celui qui dit "j'aime la Corse, j'aime la Corse", voilà c'est moi!» Et il insiste : «J'aime la Corse et j'aime les Corses, j'aime les gens. D'abord les Corses ils ont sauvé leur ile. Elle est quand même peu abîmée, comparée avec les côtes espagnoles, comparée même avec… les Italiens…» Ah , toujours l'Italie décidemment ! "…Les Italiens ont du génie, alors ils arrivent parfois à mêler le moderne et l'ancien mais enfin, il y a beaucoup de choses très abimées quand même. La Corse n'est pas abîmée, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ! Je suis très reconnaissant aux indépendantistes, et même à ceux qui font sauter des horreurs. D'ailleurs ils ont fait sauter ma maison.» (L'attentat contre le château de Fornali a eu lieu en 1978). «Ma maison n'est pas belle, c'est une maison un peu ridicule, une maison à Walter Scott, c'est une maison Ivanhoé ! C'est un Anglais fou qui s'appelait Lord Chilcott qui l'a construite, mais l'endroit est sublime. Donc j'étais dans le village, on me dit : "M. d'Ormesson, pourquoi vous êtes sombre ? – Comment, sombre, vous venez de faire sauter ma maison ! – C'était fatal. – Pourquoi "c'était fatal" ? – Mais vous n'êtes pas corse !" Quelques temps plus tard, une autre maison, qui appartenait à une actrice, a sauté. Je leur ai dit : "Mais pourquoi vous avez fait sauter la maison ? – C'était fatal – Pourquoi c'était fatal ? – Elle avait un amant."» L'anecdote l'amuse beaucoup. Mais quelle Corse aime-t-il ? «La végétation, le relief, tout est beau. Tout le monde parle de la mer en Corse mais l'intérieur est magnifique.» À 92 ans, ce grand érudit, connaisseur des arts et des cultures du monde, se voue finalement à la beauté de la nature. Il parle de lumière du matin comme si tout se réduisait en fin de compte à ça, comme s'il avait rencontré en Corse quelque chose d'essentiel qui dépasse les noms de pays, les cultures, la modernité. Il déplore même que la route qui passe près de chez lui ait été récemment refaite. La Corse ne serait-elle qu'un endroit pour se retirer du monde ? Il n'irait pas jusque-là, il reste un observateur aigu du monde contemporain mais pour lui, oui, il y a là un côté éternité. Et la Corse est ce morceau d'éternité placé au centre de son univers mental.

Alors, dans l'œuvre de ce méditerranéen adoptif, de cet amoureux qui reprend volontiers à son compte l'aveu de Stendhal " l'amour a été la grande affaire de ma vie", on pourrait s'étonner de ne pas rencontrer de ces passions solaires, de ces femmes ardentes, une Sanseverina, une Didon, une Colomba. « C'est vrai que dans Le plaisir de Dieu, le personnage, c'est Dieu, ensuite le château, ensuite c'est le temps et ensuite c'est le grand-père. Ce n'est pas une image de femme. Et dans La Gloire de l'Empire ce sont plutôt des hommes. Oui c'est vrai, je n'avais pas réfléchi à ça.» Il reste songeur un instant avant de reprendre «C'est comme Dieu, c'est trop important». Se défausse-t-il par cette formule ? Faut-il aller chercher quelque secret enfoui ? Dans Tous les hommes en sont fous, le narrateur a cette phrase : "J'ai toujours été fasciné par le thème du secret. Tout de suite après le temps qui passe, rien ne me semble plus lié à la grandeur et à la tristesse de la condition humaine que ces histoires dérobées qui échappent au savoir et qui vivent pourtant quelque part sur un mode inconnu. Tout le statut de la vérité me paraît engagé dans ce système stupéfiant." Cela pourrait être une définition du romanesque. «Je peux vous dire d'où ça vient. Ça ne vient pas d'Homère ou de Racine, ça vient de Chateaubriand et d'Aragon. Aragon, le secret était capital pour lui. Pourquoi ? Parce qu'il fallait cacher l'homosexualité. Il a caché l'homosexualité sous l'amour pour Elsa, sous le parti communiste. Chateaubriand aussi. D'abord il a eu un grand amour avec Juliette Récamier, Récamier et lui c'était quand même pas de la…» La suspension lui permet d'évoquer, avec un geste élégant de la main, un amour sublime, et en même temps de courir plus vite à la blague qu'il préparait : «…mais il a eu beaucoup d'aventures extérieures et il fallait que le secret soit là. Il ne tenait qu'à Juliette mais il y avait quand même Cornelia, Pauline»… il se délecte visiblement de l'énumération de ces prénoms féminins, «Charlotte, Nathalie, Delphine … et quarante autres.»

Pourtant il ne s'agit pas de cette sorte de secret chez Jean d'Ormesson. «Il y a deux façons de ne rien dire ; se taire ou parler pour dire autre chose. J'ai eu des secrets dans ma vie évidemment, cette histoire absurde que tout le monde connaît maintenant, je suis parti avec la femme de mon cousin, ce n'est pas de l'inceste, ce n'est pas très grave… Dans ma famille ça a été un drame épouvantable. Ça a eu des conséquences catastrophiques pour moi, dont la pire est que mon père est mort en croyant que j'étais un voyou. Ce qui explique le Figaro dont je me moque, l'Académie qui m'est complètement égale, la Légion d'honneur. Ça aurait fait plaisir à mon père. En grande partie ça explique tout.» Dans ses derniers livres notamment, il a dépassé l'articulation entre le secret et la vérité qui fonde le mode romanesque. Il semble tout dire, tout livrer, il avance sur une crête sans verser franchement du côté de l'autobiographie ou de la fiction. « Vous savez pourquoi ? C'est parce qu'il y a une crise du roman. La crise du roman c'est ce qui explique le surréalisme, l'existentialisme, le roman de l'absurde. Les Surréalistes n'acceptaient pas du tout le roman, ils rejetaient tous les romanciers. Quand Aragon a écrit un roman ils l'ont rejeté. Ils aimaient Paul Valéry parce que Paul Valéry n'a jamais écrit de romans, écrire" la marquise de sortie à cinq heures", ça ne l'intéressait pas* ( *Allusion à l'affirmation d'André Breton, dans le Manifeste du Surréalisme, à propos de Paul Valéry et le roman). J'ai essayé de trouver, comme tout le monde, une espèce de sortie du roman. Au fond je suis un romancier sans roman.» Mais pas sans paradoxe. A propos de femmes et de l'amour, il conclut : «J'ai des souvenirs de chagrins d'amour qui sont parmi mes meilleurs souvenirs» et comme il ne se prend pas lui-même très au sérieux, il s'en réfère à un autre écrivain: «Il y a une phrase formidable de Faulkner qui dit : " Entre le chagrin et le néant, je choisis le chagrin». On en trouve un écho dans Le Bonheur à San Miniato : "Moi, c'était le vertige et tous les chagrins du plaisir", le plaisir en plus et le néant en moins - mais est-ce que cela ne revient pas au même ? Il y a chez d'Ormesson un rééquilibrage permanent des chagrins par le plaisir et de la fête par les larmes. L'oxymore, cette alliance de mots opposés, semble sa réponse stylistique au casse-tête de l'existence. Faire de lui l'écrivain du bonheur, ce serait lobotomiser son œuvre. «J'ai passé souvent pour optimiste, ça m'agace d'ailleurs, je ne suis pas optimiste, je ne suis pas non plus pessimiste. Ça finit mal parce qu'on meurt, mais est-ce que c'est mal de mourir ? Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je ne pense pas que les choses vont de mal en pis, pas du tout. Le monde a toujours été une vallée de larmes et toujours une vallée de roses. Ça a toujours été délicieux et toujours sinistre. Ce que je suis ? Ce n'est pas du tout de l'optimisme, ce n'est même pas tellement le bonheur. Je suis gai - pas avec un y», précise-t-il, facétieux. «Je prends les catastrophes, non pas avec satisfaction, c'est difficile ce que nous avons connu, mais il y a toujours quelque chose qui se glisse, qui est l'espérance. L'idée d'être optimiste est tout aussi idiote que l'idée d'être pessimiste. De la même façon, il y a un problème qui m'a beaucoup travaillé, qui était le progrès. Je me disais : est-ce que j'aime le progrès ou pas ? Il y a pire que les imbéciles qui croient au progrès, ce sont les imbéciles qui ne croient pas au progrès.» Il n'ignore pas que sa méditerranée idéalisée, c'est aussi celle dans laquelle se noient des réfugiés, celle de la violence et de la pauvreté. «Il y a trois mois, le soir d'un attentat terrible, on a appris qu'un bateau a coulé avec 750 personnes, alors il y a quand même un problème avec Dieu, qui est encore plus compliqué qu'avec les femmes.»

Au fond, la grande affaire de sa vie, ce n'est peut-être ni Dieu, ni les femmes, mais la littérature. Plus précisément, le travail quotidien de la littérature. «C'est très difficile d'écrire, très difficile. Chaque page est réécrite peut-être cinquante fois. C'est corriger, corriger, corriger. J'admirais beaucoup Aragon. Il m'avait montré des textes inédits, sans une rature. La rose et le réséda, pas une rature. Seulement, je me demande s'il n'avait pas recopié, parce que Gallimard me dit qu'il travaillait beaucoup.» En même temps, dans la préface au premier volume de son Autre histoire de la littérature française, il présente "la littérature d'abord [comme] source de plaisir". La préface au 2eme volume viendra compléter ainsi : "la littérature, c'est le plaisir et le style". «C'est vrai», commente-t-il, «j'ai toujours pensé que la littérature était un plaisir. Ce n'est pas un devoir. Vous avez le devoir d'aider les gens. Si vous voyez quelqu'un qui meurt dans la rue vous avez le devoir de l'aider. Vous n'avez pas le devoir de lire Homère. Personne ne vous oblige moralement à lire Homère. On peut vivre sans Homère. On vit mieux avec Homère. Donc il y a le plaisir. Et puis l'autre chose c'est…» Il décide d'illustrer son idée par une anecdote : «Un jeune homme vient voir Renoir et lui dit : j'ai tellement d'idées sur la peinture ! Et Renoir lui répond : la peinture ce ne sont pas des idées, mais des couleurs. Eh ! bien, la littérature c'est les mots. C'est très bien si vous avez des pensées profondes. C'est le style qui compte.» On aimerait savoir quel troisième terme il apporterait à sa conception de la littérature, s'il consentait à donner à ses lecteurs un troisième volume d'anthologie. Il réfléchit : «Plaisir, surement. Style, surement. En troisième…» Il s'arrête, hésite, reprend : «Peut-être quelque chose qui touche quand même à…, quelque chose qui ressemble… à la postérité… à l'éternité peut-être… à Dieu, qu'on y croie ou qu'on n'y croie pas. Quelque chose qui est au-dessus. Qui m'a appris ça ? C'est Yourcenar, elle avait un caractère de chien, elle était assommante mais enfin elle avait du génie, elle m'a appris la hauteur. Ce n'est pas la peine d'écrire des choses si ce n'est pas capital. Il ne faut écrire que ce qu'on ne peut pas ne pas écrire.» Le plaisir, le style, la postérité. Alors, il se demande…«Qui restera ? Dans ceux qu'on a connu… Aragon ?» La conversation amène le nom de Quignard. Il se redresse d'un coup. «Alors, là ! Je me bats à l'Académie pour prendre Quignard, pour lui donner le Grand prix de Littérature». Preuve qu'il ne songe pas qu'à sa postérité à lui. De toute façon, "la postérité, je me méfie", dit-il. Blague d'académicien ? «Si La Pléiade * (*Un volume réunissant un essai et trois romans, préfacé par Marc Fumaroli, a été publié dans la Bibliothèque de La Pléiade en 2015) me fait plaisir, c'est parce que l'Académie n'a aucune importance. C'est très bien l'Académie, c'est un club d'amis, il y a des architectes, il y a des avocats, il y a très peu d'écrivains. La Pléiade, ça, c'est quand même mieux. Avec La Pléiade, vous êtes tranquille, en ce sens que les jeunes gens, dans cinquante, soixante ans pourront lire votre œuvre. Mais ça ne prouve rien. L'avenir, comme dit Homère, est assis sur les genoux des dieux.» Il ajoute : «Et des lecteurs ! Personne ne peut savoir. Qui est-ce qui aurait deviné que Sacha Guitry serait connu par tous les jeunes gens, cent ans après lui. J'ai l'avantage d'être dans La Pléiade, c'est-à-dire d'avoir le matériel nécessaire, mais c'est tout. S'il y a une chose dont je suis un peu fier - pas très, mais un peu - c'est que mes lecteurs se sont rajeunis.» Et de nouveau le conteur prend le dessus : «J'avais écrit un livre qui s'appelait Au plaisir de Dieu, une histoire de famille, qui avait des lecteurs très âgés. Ce que j'ai le plus entendu dans ma vie, c'est une ravissante jeune fille qui vient et qui me dit : "Monsieur, ma mère vous admire tellement !" et puis c'est devenu "ma grand-mère vous admire tellement !» L'anecdote est-elle véridique ? Il l'a souvent racontée, tant il s'amuse à se moquer de lui-même. Cette fois, elle - l'histoire ou le personnage de la ravissante jeune fille - lui plait tellement qu'il en rajoute un épisode : «Je racontais cette histoire chez Gallimard, la porte s'ouvre, il y a une jeune fille ravissante qui, rougissant jusqu'aux oreilles, me dit : "Je crois que vous êtes un ami de mon arrière-grand-mère". Eh ! bien, j'ai rajeuni. Ou plutôt, mes lecteurs ont rajeuni. Et maintenant je vois beaucoup de dames âgées qui disent : "Mon petit-fils vous aime bien"». On le croit volontiers : si chaque nouvel ouvrage de Jean d'Ormesson se vend à cent cinquante ou deux cents mille exemplaires, c'est qu'il n'y a pas que des vieilles dames pour l'acheter. Alors ces jeunes lecteurs, que viennent-ils chercher dans les livres de Jean d'Ormesson ? Sans doute ce que lui-même a trouvé dans les matins de Saint-Florent : une leçon de lumière.