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Littérature et Cinéma

Chronique de la fabrication d'un film

Thierry de Peretti adapte un roman de Jérome Ferrari

Episode 1 : Au commencement était la lecture

Lorsque Thierry de Peretti est invité au Marathon des mots, en mai 2018, à Toulouse, pour y lire un extrait du Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari, il redécouvre ce roman publié quatre ans plus tôt. Sa réflexion, son travail ont mûri depuis sa première lecture - il a notamment réalisé Une Vie Violente. Il a entendu parler d’un projet d’adaptation du Sermon à l’écran, mais apparemment il n’y a pas encore de concrétisation. Or Jérôme Ferrari, justement, est présent lui aussi au Marathon.

- Dis-moi, Jérôme, c’en est où, l’adaptation ? demande Thierry.

- Écoute, les droits ont été cédés, on m’a envoyé deux ou trois versions mais ce n’est pas convaincant.

- Jérôme, quelqu’un qui n’est pas corse ne peut pas adapter correctement tes romans. Moi, Le Sermon, je le fais. Frédéric (Jouve, son producteur) est partant aussi.

- On s’en reparle.

Le marathon se termine, chacun rentre chez soi. Au moment d’embarquer dans le Toulouse-Ajaccio, Peretti reçoit un mail de Ferrari. En pièce jointe se trouve la version PDF de son prochain roman, A son Image, à paraître un mois plus tard. Thierry boucle sa ceinture et se met à lire.

A son Image commence en 2003 avec l’accident de voiture mortel d’une jeune femme dans les environs de L’île Rousse. Antonia est une photographe de presse reconvertie dans les faits divers et les reportages de mariages après avoir été reporter de guerre en ex-Yougoslavie dans les années 90. Sur le terrain des combats, elle s’est confrontée à des enjeux plus cruciaux, selon elle, que ceux qui ont donné lieu aux violences dont elle a été le témoin en Corse. La messe de Requiem est l’occasion pour les proches de revenir sur le passé de la jeune femme. Le récit traverse trois décennies auxquelles les interrogations d’Antonia, ses exigences, son rapport à la photographie et au réel, servent de révélateur.

Ce qui, dans ce roman complexe sur l’image, sur l’impossible représentation de la violence et de la mort, sur l’échec, séduit immédiatement, on pourrait dire intimement, le réalisateur Thierry de Peretti, c’est le friction entre les événements réels dont il a lui-même été le témoin dans sa jeunesse en Corse et les personnages de fiction qui font ressurgir sous un nouvel éclairage des souvenirs de l’histoire : l’affaire de la prise d’otage à Bastelica en 1980, l’exécution dans la prison d’Ajaccio en 1984, l’assassinat d‘un militant en 1993. Les points communs avec Une vie violente sont évidents. Les différences aussi : Dans Une Vie Violente, Stéphane porte haut ses valeurs et sa cause, alors que dans A son Image, Antonia est écœurée par les compromissions et les hypocrisies qui entachent la lutte.

Au-delà du récit des événements, ce sont les motivations des personnages que Peretti a envie d’explorer. Leurs passions, leurs contradictions, leurs fautes et leurs moments glorieux. « On accède au réel par des personnages et des enjeux qui nous dépassent », dit-il. « Pourquoi des êtres sont-ils amenés à faire ce qu’ils font ? Par exemple Pascal, le petit ami d’Antonia, annonce qu’il va quitter le FLNC. Mais il ne peut pas expliquer sa décision. Menace ? Compromission ? Comment est-ce que quelqu’un finit par se trouver pris dans la nasse ? ».

Parce qu’ils sont taillés à même l’imaginaire, les romans et leurs personnages sont une source inépuisable d’inspiration pour le cinéma. Actuellement, un film sur cinq est l’adaptation d’un roman. Cette pratique est aussi ancienne que le cinéma lui-même, parce qu’il est à la fois art de la représentation comme le théâtre et art du récit comme le roman : dès 1902, Georges Méliès adapte De la Terre à la Lune de Jules Verne pour en faire son Voyage dans la Lune. Le cinéma semble donner, par l’image, le son, le mouvement, une réalité à l’œuvre littéraire surtout si les deux modes semblent se concurrencer pour représenter le réel.

Or le roman de Ferrari interroge justement la prétendue efficacité de l’image et remet en cause sa plénitude définitive, à travers le personnage d’Antonia qui fait l’expérience de l’impasse à laquelle la mène sa pratique. Du coup, de tous les romans contemporains, c’est peut-être celui auquel le cinéma contemporain a le plus intérêt à se frotter. D’abord parce que tout film est déjà une réflexion sur la photographie ; ensuite parce que le film n’a pas vocation à recréer l’illusion de la réalité à la place des mots du roman, mais à tendre, à sa manière et par d’autres moyens, à la vérité des choses.

Et puis, Thierry de Peretti trouve que c’est un bon mélo, qui respecte les règles du genre. La structure narrative est en place, ce qui facilitera les choses. Il pourra se concentrer sur l’écriture de mise en scène.

Lorsqu’il se pose à Ajaccio, Peretti sait qu’il tient son prochain film.

Frédéric Jouve réserve les droits, Thierry commence à écrire l’adaptation. En cet été 2018 se déroulent trois semaines de travail avec la troupe d’Une Vie Violente, en présence de Jérôme Ferrari. Le casting pour le personnage d’Antonia est lancé.

Il y a juste un tout petit souci : l’agenda de Peretti est plein pour, oh, une broutille, pas plus de dix-huit mois. C’est qu’il vient de commencer un autre film avec une tête d’affiche à qui on ne peut pas dire « Désolé Vincent, je te mets en stand by ». Oui, Vincent Lindon. Vous voyez le problème ?

Épisode 2 : Écrire le film

En juin 2020 s’est déroulée à Calvi une manifestation religieuse qui a agité toute la ville : l’ordination diaconale d’un enfant du pays. La cérémonie était assez exceptionnelle en soi pour attirer beaucoup de monde en plus de la famille, des amis et des fidèles. Ainsi Thierry de Peretti est-il monté d’Ajaccio pour prendre part à l’événement avec, peut-être, une curiosité redoublée. Car depuis quelque temps, son cerveau créatif fonctionne à nouveau sur le mode réticulaire des gens habités par un nouveau projet. Or, on s’en souvient, le personnage pivot de A son Image est un prêtre et son ordination est évoquée dans le roman : « En févier 1981, elle lui offrit un grand tirage encadré de celle qu’elle avait prise pendant son ordination alors qu’il était étendu à plat ventre, éperdu de joie et d’émotion, le cœur battant sur le dallage glacé de la cathédrale d’Ajaccio ».

Peretti ne sait pas à l’avance quel lien il pourrait faire entre la cérémonie de juin et son prochain film. Mais d’une façon ou d’une autre, elle va le nourrir. Si l’ordination du parrain d’Antonia n’est qu’effleuré dans une phrase, il reste que le catholicisme, très présent en terre corse, imprègne le roman. Il est composé selon une double temporalité, le présent de l’enterrement d’Antonia, le passé de son parcours interrompu. Chaque nouveau chapitre porte le titre d’un moment de la cérémonie, si bien que toute la vie d’Antonia semble coulée dans le moule de la liturgie des morts, et ne prendre son sens que par la fin, sous l’éclairage de la religion. Au point où il en est de l’écriture du film, Peretti sait déjà qu’à moins d’intercaler des cartons entre les scènes, comme dans les films muets, cette scansion, propre à l’écrit, pourrait devenir lourde à l’écran. Tel lecteur, emporté par la navigation entre le passé et le présent, risque de bailler d’ennui si on lui fait le coup du flash-back plus de deux fois. En revanche le réalisateur va imaginer comment restituer le contexte, la philosophie générale, l’ambiance. Écrire un film ce n’est pas seulement écrire les mots que vont prononcer les acteurs, mais prévoir tout ce qui va faire sens à l’image et au son, en plus des dialogues des acteurs. Or, tout fait sens.

La cérémonie commence. Pas moins de deux évêques, une liturgie très impressionnante (prostration, imposition des mains, prise de l’habit), trois heures de chants, le recueillement ému de l’assistance, la foule assemblée sur le parvis où la cérémonie est retransmise, et puis ensuite les embrassades et la fête. Sur la route du retour, Peretti prend quelques notes de ce qui l’a frappé : la chronologie précise du rite de l’ordination diaconale, les prêtres qui se changent à l’extérieur comme des acteurs avant d’entrer en scène, les beignets qu’on mange dans la rue. Il aimerait recréer cette ambiance de fête si particulière où se mêlent la spiritualité fervente et la dissipation joyeuse. Immédiatement les questions concrètes se posent : « Si je tournais la scène, comment je m’y prendrais ? Quel dispositif ? Est-ce qu’il y aurait assez de monde sur place (on sait qu’il ne tourne pas avec des figurants) ? Est-ce qu’on me laisserait faire ? » La petite phrase du roman deviendra peut-être une grande scène. Il est trop tôt pour le décider. Ce qui est certain, c’est que la cérémonie de juin, avec sa spiritualité et sa camaraderie, infuse déjà le futur film. C’est l’expérience qui donne le ton. Comme le disait Robert Bresson, « on reconnaît le vrai à son efficacité, à sa puissance » (Notes sur le cinématographe).

Première leçon : l’écriture du film ne commence pas par écrire – de même que, (voir l’épisode précédent) faire un film commence souvent par lire un livre. Deuxième leçon : paradoxalement, il semblerait qu’adapter un roman, cela passe aussi par imaginer des scènes qui ne figurent pas dans le livre.

Un autre exemple : au début du roman, Antonia reconnait Dragan parmi les touristes sur le port de Calvi. Son uniforme est impeccable, il est accompagné d’un sous-officier. D’Antonia, rien n’est précisé, sauf qu’elle porte un appareil photo en bandoulière. Intérêt narratif de cet élément : déclencher la question de Dragan, la conversation sur la photographie et sur ce qu’Antonia fait de sa vie, ce qui entraîne la suite fatale de la soirée. Sans l’appareil photo, la mise en route du dialogue aurait peut-être été plus longue. Maintenant, imaginons le film. Peretti voit tout de suite que, quelle que soit la tenue choisie pour l’actrice, l’appareil photo en bandoulière sera beaucoup trop fort à l’écran, en décalage avec le personnage : Antonia n’est pas du genre à faire des photos à tout bout de champ. Elle est photographe professionnelle, or le mariage pour lequel elle est embauchée n’a lieu que le lendemain. Donc, Peretti, avec son souci du détail, ne la voit pas se baladant sur le port avec son appareil autour du cou. Là encore, une salve de questions : Où, sur le port ? Quelle marque, l’appareil ? Il a bien envie de demander à Jérôme. Mais dis-moi, Jérôme, pourquoi est-ce qu’elle est sortie avec son appareil, ce soir-là ? Peut-être Jérôme a-t-il une réponse. Ou alors : Écoute Thierry, moi j’ai fait le livre, débrouille-toi avec le film, tant chaque art dispose des moyens qui lui sont propres. « On souligne souvent que la littérature peut être beaucoup plus précise que le cinéma, et le cinéma plus limité. Mais parfois, c’est l’inverse. » On n’imagine pas le souci qu’une bandoulière peut causer. Le réalisateur doit s’emparer à sa manière de l’œuvre de l’écrivain et dans ce geste, la bandoulière sera peut-être arrachée. Nous verrons bien, nous spectateurs, quand le film sortira. En attendant, troisième leçon : faire le film, cela commence par défaire le livre.

Nous disions tout à l’heure que dans le livre, les titres des chapitres sont des débuts de prière. Mais ce n’est pas tout : ils sont doublés de titres de photographies, comme des cartels sous des cadres invisibles. Entre la messe d’enterrement et la vie d’Antonia, Jérôme Ferrari intercale des réflexions sur la photographie et des évocations d’autres photographes des débuts du XXème siècle. Magie du genre romanesque, si malléable, qui ne s’impose aucun format. Tandis qu’au cinéma, il vaut mieux se concentrer sur un personnage et son parcours, et sur une époque. Certes, la photographie est un des thèmes du roman, mais dans un film, la question de l’image n’est-elle pas omniprésente ? « Tout film est une réflexion sur l’image, leur régime, leur place et d’autant plus si le personnage est photographe, comme dans Blow up et Profession Reporter d’Antonioni et Le Voyeur de Michael Powell, qui sont presque des films théoriques sur la question. Dans A son Image, les réflexions sur l’image en mouvement, sur la mort filmée donnent lieu à des digressions qui dépassent l’intrigue principale. Dans le film, passer d’une histoire à une autre serait compliqué », dit Peretti.

Son film va donc se consacrer à Antonia et aux trois décennies de sa vie en Corse parmi son groupe d’amis qui vont devenir des militants nationalistes, entrecoupées par son expérience en ex-Yougoslavie comme reporter de guerre. Le sujet des luttes nationalistes, Thierry de Peretti l’a déjà abordé dans Une vie Violente, mais le personnage imaginé par Ferrari lui fournit un autre point de vue et un autre discours, dont il s’empare d’autant plus facilement que le séquencier (la suite de scènes) est quasiment fourni par le roman. « Trouver la structure du film est souvent ce qui me donne le plus de mal. » On dit souvent qu’il y a deux sortes de cinéastes – on le dit aussi des écrivains : ceux qui font un plan et ceux qui construisent au fur et à mesure. On comprend que Peretti serait plutôt dans la deuxième catégorie, faisant évoluer la structure du film au gré de la fabrication jusqu’au montage final. Or, pour la première fois dans son expérience de cinéaste, l’histoire est déjà là, toute faite, un cadre narratif qui fonctionne, une fresque sur trente ans, avec ses différentes époques et ses temps forts. « Cela permet de se concentrer sur d’autres aspects de la fabrication du film », dit-il en précisant ce qu’il cherche, c’est cette tension entre un contenu exigeant du point de vue poétique et un mélo qui fait pleurer, à l’instar des films de Nanni Moretti, à la fois populaires et subtils. Un film qui aide à comprendre l’histoire corse comme Modiano aide à comprendre les années de guerre.

A Hollywood circulait cette histoire, attribuée à Alfred Hitchcock : deux chèvres sont dans un pré, en train de mâchonner une pellicule échappée d’une grande boîte ronde en métal. C’est la bobine d’un film adapté d’un roman (et sur cette question Hitchcock en connaissant un rayon, lui-même se posant comme un des plus grands pilleurs de littérature). « Comment tu le trouves ? » demande la première chèvre. Et l’autre répond : « Pas mal, mais je crois que je préférais quand même le livre ». Il paraît qu’il existe une autre version de l’histoire, avec deux chèvres corses.

Épisode 3 : Écrire le scénario

Le mois dernier Thierry de Peretti s’est installé à Venaco avec un petit groupe de travail. On pouvait reconnaître à ses côtés quelques acteurs qui figuraient déjà au générique d’Une Vie Violente, ainsi que, côté équipe technique, la directrice de casting Julie Allione, le chef décorateur Toma Baqueni, la scénariste Jeanne Aptekman et la directrice artistique Julia Canarelli, tous réunis en résidence d’écriture. Jérôme Ferrari est passé les voir aussi pendant un jour ou deux.

Le processus créatif suivrait peut-être un cours différent si Peretti était seulement réalisateur. Dans ce cas, un scénariste choisi par lui et par son producteur qui travaillerait sans doute de son côté jusqu’à produire environ 120 feuillets (on en compte un par minute de film) contenant toutes les indications et les dialogues. On peut imaginer ce scénariste cloîtré dans sa solitude et plongé dans son univers imaginaire à l’instar d’un écrivain ; d’ailleurs, certains écrivains ne sont-ils pas également scénaristes ? Le film Mank, qui vient juste de sortir, en donne une illustration, qui raconte dans quelles conditions Herman Mankiewicz a écrit le scénario de Citizen Kane pour Orson Welles, cloué au lit avec une jambe cassée, équipé seulement de sa réserve de whisky et de sa machine à écrire Remington. Certes, il s’agissait de Hollywood dans les années 30 mais le métier reste foncièrement le même.

En revanche lorsque le réalisateur est aussi le scénariste de son propre film, ce qui est le cas de Peretti, la méthode est sensiblement différente. Elle passe bien sûr par des prises de notes, de photos et de l’écriture solitaire - Peretti est prolixe, il écrit beaucoup de scènes même si elles ne seront pas toutes tournées– donc par des carnets et des claviers, mais aussi, il s’engage très tôt dans le travail collectif. Ainsi à Venaco, lorsqu’il demande aux acteurs d’improviser ou d’amorcer une scène rédigée et qu’il regarde avec l’équipe technique ce qui se passe sur l’écran, ce qui se passe est l’équivalent d’un brouillon pour un auteur. A ce stade, les rôles ne sont même pas attribués aux acteurs, le casting n’est pas achevé (et comment le serait-il, puisqu’on n’a pas encore décidé si, pour couvrir les 30 années du récit, on aurait recours à un acteur par rôle, artificiellement vieilli par le maquillage ou le numérique, ou à deux acteurs d’âges différents ?) Les acteurs, ici, sont l’équivalent des pinceaux et des couleurs maniés par un peintre. A la fin de la journée, en se projetant les images, Peretti et son équipe technique couperont peut-être le son pour remplacer les dialogues par une voix off, pour voir ce que ça donne, de même qu’un écrivain ne décide pas toujours s’il vaut mieux rédiger telle conversation au style direct ou au style indirect. C’est un peu comme un mobile à la Calder : changez la forme, le poids d’un élément et c’est la configuration de l’ensemble et son mouvement général que vous faites varier. A Venaco, les acteurs ne sont pas en train de répéter un texte écrit d’avance. Au contraire leur recherche et le tournage de certaines séquences font émerger l’écriture, participant à l’élaboration du scenario.

L’atelier de Venaco, c’est un des outils. Il y en a d’autres, qui ne consistent pas davantage à s’asseoir devant un clavier. Arpenter Bastelica et Propriano en y projetant mentalement certaines scènes qui s’y passent effectivement dans le roman, imaginer comment on pourrait les tourner. Aussi, chercher en Corse d’autres lieux qui pourraient éventuellement éviter un tournage à Belgrade où se déroule une partie de l’histoire. La décision de reconstituer le décor de la guerre en ex-Yougoslavie en 1991, ou au contraire de l’évoquer sans la montrer formellement, Peretti ne va pas la prendre seul. Est-ce dû à sa personnalité et donc sa façon de faire, ou bien est-ce sa façon d’en parler, évoquant tour à tour Frédéric Jouve, son producteur, Claire Mathon, directrice de la photographie (César 2020 pour Portrait de la Jeune fille en feu), Julie Allione au casting ? Ou est-ce une illustration de son propre rôle fédérateur au centre du dispositif ? Peretti insiste sur le dialogue, l’écoute, autour de certaines questions esthétiques aussi bien que matérielles inextricablement liées. Autre exemple, la scène de l’énorme procès qui eut lieu à Lyon en 1985. Là encore, reconstitution ou évocation ? Quelle que soit la réponse, il faudra qu’elle fasse sens tout en tenant compte de l’ingénierie à mettre en place. Il n’est pas question de changer d’avis au dernier moment compte tenu des coûts que cela représente. « Nous ne sommes plus à l’époque où un cinéaste servait son ambition artistique et dépassait sans se poser de question le budget ».

Pour autant, la solution doit apparaitre juste à tout le monde, qu’elle s’impose de façon convaincante, lumineuse, et que toute l’équipe en ait envie. De tels problèmes doivent être résolus en amont de la préparation du film, et les décisions prises concrètement vont modifier l’écriture.

Une première version du scénario sera achevée en mars et envoyée aux partenaires financiers. Après, il subsistera toujours une tension entre le projet déposé et l’élaboration du film. Peretti sait que l’écriture continue jusqu’au montage, que rien n’est jamais figé. Il évoque Truffaut qui pensait que le tournage devait se faire contre le scénario et le montage, contre le tournage. Manière positive de décrire la dynamique créative, déstabilisante et imprédictible.

à suivre.